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Foutre non ! Mais c’est bien au bout de la tour Eiffel, afin que dominant vos crimes de 300 mètres, elle dise cette caboche, au monde entier, que sous votre républicanisme, il n’y a que de la barbarie salement badigeonnée.

Qui êtes-vous, d’où venez-vous, sales bonhommes, vous n’êtes pas nés d’hier ? Je vous ai vus il y a dix-huit ans, votre gueule n’a pas changé : vous êtes restés Versaillais ! La férocité de chats tigres que vous avez foutue à martyriser les Communeux, vous l’employez maintenant à faire des mistoufles aux Tonkinois.

Que venez-vous nous seriner sur les Prussiens, les pendules chapardées, les villages brûlés ? — Les Prussiens faisaient la guerre en soldats et non pas en barbares. Ils n’ont pas commis, nom de dieu, la centième partie de vos atrocités, Versaillais de malheur !

Ah, vous n’avez pas changé ? Nous non plus : Versaillais vous êtes, — Communeux nous restons !

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BONNE ANNÉE !


Ça y est, nom de dieu, voilà une année de foutue ! Un an… ça signifie bougrement de choses.

Un an, chez le populo, ça veut dire 365 jours passés à tirer le diable par la queue, à s’esquinter au profit des patrons voleurs, bien heureux encore d’avoir de l’ouvrage.

Un an, pour les déchards, c’est plus long qu’un siècle ! 365 nuits à l’affilée où on a dû dégotter un endroit pour roupiller tant bien que mal. Douze mois consécutifs, où il a fallu faire la chasse à un quignon de pain… C’est trop long on n’y résiste pas ! Ils sont rares les pauvres bougres de purotins que la misère complète a empoignés dans ses griffes de fer qui voient deux premiers de l’an…

Le jour de l’an est une fête ! Cochonne de fête pour ceux qui n’ont rien à se foutre sous la dent. Le jour de l’an est rigolot pour les riches, mais bougrement triste pour les mistoufliers.

Ce jour-là les roussins se font aimables. Sur les boulevards dans les rues, ils laissent les mendigots faire la manche sans leur foutre des sottises, sans les coller au bloc.

Et les malheureux qui s’avilissent à mendier, les pauvres purotins qui n’ont plus de cœur au ventre, de profiter de l’occase et de bafouiller aux bourgeois des souhaits de bonne année.

Eh sacré pétard ! C’est pas une bonne, mais une mauvaise année que les purotins devraient souhaiter aux richards.

Quoi donc, nom de dieu ! Est-ce que durant 365 jours encore ces salopiots de patrons et de gouvernants vont nous tenir sous leur coupe, jouir à notre détriment de toutes les belles choses de l’existence ?

Ah, foutre, m’est avis qu’il y a assez de mois, d’années, de siècles que ça dure ! M’est avis qu’il serait temps que les pauvres bougres de tous les patelins se lèvent comme un seul homme et sautant au cou de tous les grands de la terre, leur serrent le ki-ki sans pitié !

Avec tout ça, nom d’une pipe, y a quasiment un an que le Père Peinard s’est foutu journaliste ! Il m’a fallu y faire pour en arriver là ; quoi, il m’a fallu l’entêtement d’une vieille bourrique qui va… va… tant qu’il lui reste deux liards de force.

Deux fois dans un an j’ai canné. Deux fois, nom de dieu,