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LA MONTAGNE D’HIVER

les hommes consacraient au travail ? Était-il instructeur ? Il en avait le teint et les allures. Elle réfléchissait sans parler, et elle s’aperçut bientôt qu’il l’examinait dès qu’elle se détournait. Elle rougit en surprenant son regard. Au fond, il avait lui aussi les mêmes raisons d’être intrigué. D’où sortait-elle ? Jeanne s’était contenté de dire :

— Je vous présente notre amie Madeleine Beaulieu, que nous avons retrouvée par hasard, hier, aux Escarpements, sur La Solitaire.

L’inconnu, pour la tirer de son mutisme, s’adressa directement à elle. Il frappa sur la bonne note :

— Si l’on vous a trouvée sur La Solitaire, c’est que vous êtes skieuse ?

— Passionnée ! Si insatiable, que je redoute le printemps. Je ne voudrais plus le voir revenir. L’hiver ici, vaut tous les étés du monde. Et des skis aux pieds, c’est le bonheur.

— Oui, approuva-t-il. Plus de passé, plus d’avenir, un présent que l’on peut savourer sans désirer autre chose.

— Vous exagérez sûrement, dit Jeanne.

— Nous n’exagérons pas, répondirent-ils ensemble, avec une véhémence qui les amusa.

— Vous aussi, alors, ajouta Madeleine, c’est ce que vous ressentez ?

— Tous les véritables skieurs le ressentent.

— Mais ne souhaitez pas les neiges éternelles, je vous en supplie, continua Jeanne. Pensez aux infirmes de ma sorte. Il faut que le printemps revienne, et au plus tôt.

— Que nous le voulions ou non, il reviendra, ne craignez rien, il revient déjà…

— Oui, en février, il est dans l’air. Dès qu’il fait doux, ça sent le lilas !