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LA MONTAGNE D’HIVER

— Sûrement non, dit Jeanne, notre amie Madeleine sera enchantée de connaître le vaillant coureur de bois, qui s’est égaré avec toi, à quarante pas de notre hôtel…

— Un peu plus de quarante pas, tout de même. Mettez-en cent. Ne nous humiliez pas à plaisir. Mais, mon pauvre Jules, c’est tout de même exact que nous avons honteusement tourné en rond autour des mêmes arbres pendant un bon quart d’heure, avant de retrouver… le nord ! Le vent, l’obscurité, cela peut aveugler un homme, et même deux…

— Quelle idée aussi, de vous en aller à l’aventure sur la neige croûtée, qui ne garde pas l’empreinte des pas, au lieu de suivre les pistes, disait Jeanne.

— Ah ! Madame, il est si agréable de s’éloigner de temps en temps des sentiers battus. Ne nous blâmez pas, je vous en prie. Et puisque nous n’étions pas égarés…

— Et que les loups ne nous ont pas mangés…

Les deux hommes riaient au souvenir de leur étonnement quand, se croyant loin, ils avaient aperçu la silhouette de l’hôtel.

— Nous nous croyions perdus sous nos propres fenêtres !

Ce badinage empêcha Jeanne de compléter les présentations. Madeleine n’apprit pas le nom du nouveau convive. Il avait un physique plutôt remarquable, avec des yeux bleus, étonnants dans une figure ridée à force d’être brûlée et asséchée par le soleil ; une figure tannée qui ressemblait à celle d’un laboureur à la fin de l’été. Mais ces rides indiquaient-elles un certain âge ? Il était difficile de le deviner, les cheveux étaient poivre et sel, mais la taille de cet homme était mince et jeune. Il semblait débordant de gaieté. Pourquoi, se demanda la jeune femme, était-il en costume de ski, au beau milieu d’une semaine, que tous