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LA MONTAGNE D’HIVER

Jeanne attirait l’attention de Madeleine sur les plus beaux aspects du paysage.

— Je commence à le connaître, dit-elle. Tous les jours, nous faisons cette randonnée, comme apéritif, quand il fait beau ! Je ne suis pas aussi heureuse que toi, Madeleine. J’ai de mauvaises jambes. Je dois me contenter de suivre de ma fenêtre les leçons de ski que prennent les autres. C’est regrettable pour Jules qui, lui, a besoin d’exercice. Heureusement, il vient de découvrir un compagnon infatigable. Ils ont marché si longtemps hier soir, que je me suis imaginée qu’ils étaient égarés.

— Nous étions bel et bien égarés, mais pas loin. On se serait cru dans la dangereuse solitude du pôle nord… avec son grand silence blanc.

Présentement, le grand silence blanc se trouait de bruits calmes : la voix du cocher encourageant ses bêtes, le crissement de la carriole sur la neige, le tintement des grelots. La température avait été très basse le matin. Mais le soleil était maintenant brûlant.

— Alors, vous passerez tout l’hiver dans cette blancheur ? Et cela pendant que vos misérables amis regagneront l’enfer de la ville ? Savez-vous que vous êtes malgré tout une femme heureuse ?

— Oui. Pour l’instant ! avoua Madeleine.

La descente s’amorçait et les chevaux trottèrent ensuite en longeant le bout du lac. Mais rien n’indiquait celui-ci, pour ceux qui n’avaient pas vu le paysage en été. Ils pouvaient simplement s’étonner de cet étrange champ plat, nu et sans arbres, où la neige s’étalait comme une nappe sans pli.

La carriole se remit à grimper pour atteindre la rue principale. Elle passa devant le bureau de poste, devant des magasins, des auberges, des villas qu’il fallait admirer.