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— I —


Dès que le problème de son avenir s’imposait, Madeleine éprouvait le désir de fuir. Elle ne voulait pas l’affronter. Cramponnée au présent, elle refusait d’admettre que l’heure approchait où elle ne devrait plus se dérober, où il lui faudrait agir.

Continuellement, l’anxiété l’étouffait. Rien n’atténuait son angoisse. D’une besogne à l’autre, elle allait et venait dans la maison, accablée par l’irréparable, son imagination reconstituant sans cesse les événements, jusqu’à la minute funeste ; et alors, haletante, suppliante, le cœur tordu, elle s’acharnait à croire que son malheur était un cauchemar.

Ce n’était pas un cauchemar et il lui fallait l’accepter. Mais n’ayant plus la force de diriger ses pensées, l’instant d’après, elle se retrouvait tournant en rond, recommençant à vivre la cruelle suite des faits, pour buter de nouveau avec un désespoir ravivé, sur l’implacable fatalité.

Les soucis matériels s’entassaient aussi à côté de sa douleur. Quelques années plus tôt, la petite fortune que la mort accidentelle de Jean lui laissait, aurait été bien suffisante pour vivre convenablement. Aujourd’hui, comment s’en tirerait-elle ? On lui disait :

— Heureusement que vous n’avez pas d’enfants.