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LA MONTAGNE D’HIVER

Louise était éveillée. Déjà on avait pris sa température. La jeune religieuse disait bonjour, s’informait du sommeil de la nuit et ensuite, se mettait vivement à l’œuvre. Il fallait que tout fût bien en ordre. Le bon Dieu allait venir. Elle refaisait la couverture, allait chercher les fleurs dans le couloir, les disposait avec soin, replaçait la table de nuit, cachait les journaux et les livres qui l’encombraient, et poussait le tabouret sous le lit. À ce dernier geste, Louise chaque fois protestait.

— Vous allez encore oublier de le replacer et je serai prisonnière dans mon lit trop haut et je devrai sonner…

— Ne me dites pas que je l’avais encore laissé sous le lit, hier ? Je suis impardonnable. Je vous promets que tout à l’heure, j’y penserai, après la communion. Je devrais enfin savoir ma leçon.

Elle sortait en riant et reviendrait ensuite toute recueillie et les yeux bas, précédant le prêtre et agitant une petite clochette pour l’annoncer.

Elle savait sa leçon, mais elle était terriblement et délicieusement jeune. Elle avait le visage mince, rose et lisse comme un pétale, une grande bouche bien colorée, des dents éclatantes et de longs yeux gris lumineux entre les ailes importantes de sa cornette de Fille de la Sagesse. Pour Louise, elle évoquait un tableau du Moyen-Âge, à cause de l’étoffe grise si abondante du « Saint Habit ».

— Vous n’avez pas changé votre costume, quand le Pape l’a permis ? lui avait demandé Louise un matin.

— Mais oui ! En dessous, il y en a beaucoup moins ! — dit-elle en éclatant de rire. — Et en dehors aussi. La jupe était large, large et toute gonflée. Maintenant, elle a de beaux plis plats. Regardez.