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LA MONTAGNE D’HIVER

Mais la voix revenait, se rapprochait, insistait :

— Mademoiselle, mademoiselle, je vous en prie, écoutez-moi, ne remuez plus votre bras.

Tout à coup, la lumière se fit en elle. L’intervention chirurgicale était terminée ! Elle parvint à lever ses paupières, cette fois, et elle vit la religieuse, et elle retrouva l’usage de la parole.

— Alors, je ne suis pas morte ?

Elle eut la force de rire un peu. Mais elle s’était tout de suite rendormie et elle avait remué le bras avec plus de vigueur. La voix suppliante était revenue la tirer de nouveau du néant :

— Je vous en prie, Mademoiselle, ne bougez plus. On vous donne du sérum. Ah ! la veine se brise. Vite, garde, allez me chercher une planchette.

Une planchette ? Pourquoi ? Sa curiosité alertée éveillait enfin sa volonté. Il se passait quelque chose et elle devait collaborer. À côté du lit, elle vit les infirmières, la religieuse penchées sur elle, puis la patère d’où pendaient la bouteille et le tube que l’aiguille communiquait à son poignet. On attachait son bras. Mais maintenant qu’elle avait compris, elle ne remuerait plus, elle le promettait, même si cela lui était souverainement égal qu’on lui refasse une piqûre. Elle baignait dans une heureuse indifférence. Elle ne ressentait rien de désagréable, n’avait plus aucun mal. Tout de même, qu’est-ce qu’on lui avait mis dans le nez ? Elle s’empressa de vouloir toucher, oubliant l’aiguille, une fois de plus. Un autre tube ? Il fallait protester.

— Ce n’est pas dans le nez qu’on devait m’opérer !

— De grâce, ne remuez plus ! L’autre tube, c’est la pompe à Carrel…

La pompe à Carrel ? Carrel, l’Homme, cet inconnu ? Y avait-il un lien ? Elle avait trop sommeil pour s’enquérir.