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LA MONTAGNE D’HIVER

Marie est un miracle. Après son arrivée, je me suis promis de ne jamais plus désespérer de rien. J’espère tenir bon. On souffre, on ne maîtrise pas toujours son imagination, mais il faut avoir confiance. Toutes les peines sont temporaires, doivent être temporaires…

— Mais il en survient de nouvelles, constamment…

— Évidemment. Ce sont les conditions du voyage. Mais on passe vite à travers tout. Crois-moi, et les trêves, les bons moments sont nombreux.

— À qui le dites-vous ? Ce beau matin, par exemple ! si bleu, si doux, si pur…

— Et si tu veux descendre quelques côtes, va-t-en. Nous parlerons quand la neige sera partie…

Madeleine se leva, chaussa ses skis et se laissa glisser sur la piste qui s’amorçait devant la maison…

Louise rentra, mais cette conversation l’avait orientée vers ce passé qu’elle s’étonnait de sentir déjà si loin. Elle s’y replongea. Elle se revit à l’hôpital, et se souvint du moment où avant l’anesthésie, elle avait fait ce que l’on appelait le « sacrifice de sa vie ». Elle avait cru ne pas guérir. Ensuite, elle réentendait la voix suppliante qui l’avait rappelée au monde :

— Mademoiselle, mademoiselle, voulez-vous, s’il vous plaît, essayer de ne pas remuer le bras, l’aiguille se dégage…

D’abord, elle n’avait pas compris. Où était-elle, d’où revenait-elle ? Ces mots, s’adressaient-ils à elle ? L’aiguille, quelle aiguille ? Pourquoi une aiguille ? Elle essayait d’ouvrir les yeux et ils se refermaient d’eux-mêmes. Doucement bercée, elle repartait pour ce néant dont la voix un moment l’avait tirée. De nouveau elle dormait, délivrée de tout.