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LA MONTAGNE D’HIVER

sur ma coupure et des bleus autour des yeux. Sur l’ordre du médecin, je restais au lit autant que possible. Je lisais, je priais. Soudain, je repensai à une annonce que je voyais depuis un mois dans mon journal. « Personne d’âge moyen, désire situation comme ménagère. À la campagne et dans très petite famille. Inutile d’écrire, si vous habitez la ville. » Jusque-là, j’avais tenu compte de cette dernière phrase. J’occupais le coin le plus bruyant de la rue Bernard. Ce matin-là, je me sentis poussée à écrire malgré tout, et je demandai à cette inconnue de me faire la faveur de venir un tout petit mois, par charité, pour me permettre de me soigner. J’offris cinquante dollars. Je promis que je donnerais un peu plus si elle l’exigeait, car il me fallait absolument du secours. J’expliquai nettement la situation.

— Trente-six heures après, je recevais une réponse, écrite dans un français impeccable, dans un style que j’enviai. Puisque j’étais dans une situation désespérée, Marie consentait à venir, mais il y avait un mais. Elle refusait le cinquante dollars, parce qu’elle ne le valait pas. Elle ne pouvait faire aucun gros travail. Elle était nerveuse, délicate, faible. Elle n’accepterait que sept dollars par semaine.

— Le miracle, me dit mon frère, de passage en ville, — et lui-même, aux prises avec les aides à cent dollars par mois, qui ne faisaient que la vaisselle, — le miracle, c’était le sept piastres ! Il n’avait pas beaucoup confiance. Quelque chose clocherait.

— Rien n’a cloché. Tu connais maintenant ma précieuse Marie. Tu peux juger. Elle était frêle, plus timide, et si nerveuse qu’elle fut d’abord un peu maladroite. Elle reprit vite son aplomb. Et elle n’a pas cessé d’être telle que tu la connais. Propre, vive, compétente, attentive, prévenante, et intelligente, surtout. C’est une chrétienne comme