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LA MONTAGNE D’HIVER

Maryse était brave. Elle avait toujours la force de plaisanter. Mais au fond, son rire était ironique et triste.

— Reconnais-tu la rue où tu cours ainsi ?

— Jamais.

— Tu n’y verrais pas de clocher, par hasard ?

— Ah ! vous ! qui croyez tout expliquer avec des prières !

Louise à son tour avait ri, sans insister. Ce n’était guère l’heure de prêcher. Elle était pourtant convaincue qu’un seul Amour pouvait aider Maryse, et vaincre la peine que lui causait sa peur de vieillir, son horreur de l’inexorable dévastation physique.

***

— Vous êtes bien loin de moi, demanda subitement Madeleine, rompant le silence trop prolongé.

— Je suis avec Maryse. J’ai des remords de ne pas te l’avoir peinte sous son meilleur jour. Il est vrai que tu pourras la juger toi-même dans quelques jours. Elle a le rire contagieux, et tant d’humour pour se moquer d’elle-même !

— Nous aurons au moins un point de contact. Maryse a gâché sa vie et la mienne est brisée. Je ne l’ai pas tout à fait oublié, vous savez…

— Bah ! À chaque jour suffit sa peine. L’affirmation est vieille comme le monde, mais elle sera toujours vraie.

L’expression de Madeleine redevint tragique, ses yeux noirs retrouvèrent leur profondeur inquiète et troublée. Louise reprit :

— Aie confiance. Aucune vie n’est brisée avec la foi. L’as-tu suffisamment pour le comprendre ?

— Oui, quand je raisonne. Non, quand je souffre. C’est la solitude autant que le reste, qui affole votre Maryse, c’est la solitude qui me fait peur à moi aussi…