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LA MONTAGNE D’HIVER

enfants. Où donc la jeune femme avait-elle entendu exprimer cette idée ? Dans l’Épître, l’Évangile, le Graduel, chaque jour une phrase semblait directement vous concerner. Elle éclairait le jour heureux ou malheureux qui suivait.

Pour quelque temps, après les vacances du Nouvel An, Louise et Madeleine se retrouvèrent seules. Plus tard viendrait Georges Harel, un cousin de Louise qui prenait un congé entre deux examens ; et aussi, Maryse Gérin.

— Qui est Maryse Gérin ? demanda Madeleine.

— Une très belle fille que tu dois avoir souvent vue. Elle habite ton quartier. On ne la voit pas sans la remarquer. Elle est toujours élégante. C’est une très belle fille, mais désespérée de voir fuir sa jeunesse, et qui dissimule ce souci en riant constamment. Elle n’engendre pas la mélancolie, même si, au fond, je la crois plutôt triste. Avec elle la maison se remplira d’entrain. Elle est brillante, instruite, elle peut discuter art et philosophie, mais elle préfère blaguer ! Elle a des idées personnelles sur ce qu’elle voit, entend, lit, et une façon bien à elle de les exprimer. Quand on l’écoute, on se croirait au théâtre, tant les scènes qu’elle reconstitue sont vivantes, animées, agencées comme si elles étaient composées. Elle observe avec acuité et humour. Elle a une mémoire étonnante, des yeux qui découvrent du premier coup les détails caractéristiques ou les ridicules. Mais il y a un mais. Avec une intelligence supérieure, Maryse m’irrite. Elle ne donne pas sa mesure. Elle gaspille ses qualités exceptionnelles, elle ne s’arrête qu’à ce qui l’amuse et la rend elle-même amusante. Elle aime le monde par-dessus tout. Et pour évaluer les choses, les gens, nous avons des opinions absolument contradictoires. Alors, tu nous entendras discuter et tu me verras sortir de mes gonds !