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LA MONTAGNE D’HIVER

être momentanément égoïste, n’envisageait que ses problèmes à elle.

Bientôt, sur La Solitaire, le remonte-pente fut en service tous les jours. Les vacances commençaient. Les cottages loués à la saison, au lieu de n’être occupés que pour les fins de semaines, s’ouvraient pour la quinzaine des Fêtes. Les flancs de montagnes offraient alors chaque jour un tableau vivant et coloré. De haut en bas, de gauche à droite, de droite à gauche, les skieurs zigzaguaient, se balançant à un rythme secret.

Pour commencer, Madeleine fut un peu déconcertée de voir La Solitaire envahie par la foule. Mais elle s’y accoutuma. Elle entendait rire, fredonner, crier de joie. Au dernier palier, Paul et le duc entraînaient chacun un petit groupe de débutants. Devant eux, ils faisaient lentement le chasse-neige, puis la rotation de la taille et des bras qui produisait le virage si aisément, que le skieur novice se sentait tourner comme sur une plate-forme roulante.

— Le corps plus en avant, les genoux bien ployés, criaient les instructeurs.

Puis, ils prenaient la tête d’un lacet humain qui se déroulait en courbes régulières jusqu’au bas de la pente. Comme Louise l’avait prévu, lorsqu’il était inoccupé, Paul avait donné des conseils à Madeleine. Après des exercices tenaces et quotidiens, elle contrôlait de mieux en mieux ses skis. Parfois, elle s’engageait dans le lacet à la suite des autres. Ou bien, elle s’immobilisait et s’amusait à observer ce monde si nouveau pour elle. Le champ de la montagne du plus haut jusqu’en bas, était sillonné de silhouettes prodigieusement rapides qui se croisaient incessamment d’un mouvement harmonieux. Les figures passaient, s’effaçaient, revenaient, tournaient et semblaient exécuter sur