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LA MONTAGNE D’HIVER

Justement, le paysage touchait à son moment d’apothéose. Le sentier atteignait le bord d’un plateau. Au centre de la vallée plongée dans l’ombre, sur sa butte, le village était encore éclairé par les derniers rayons de soleil. Elles le contemplèrent en silence, puis elles s’élancèrent dans une pente vertigineuse et rejoignirent en bas le soir déjà tombé.

Noël ramenait les nuits les plus longues de l’année. Devant les maisons, dans les jardins, partout des sapins s’illuminaient, repoussant l’obscurité ; triangles multicolores ou d’une même teinte, entièrement garnis de lumières bleues, ou rouges, ou d’un or bien jaune. Cette parure donnait au village un aspect féérique.

En rentrant, les deux femmes se promettaient bien de ne plus sortir. Mais le courrier était à huit heures et très souvent, après le souper, elles repartaient pour le bureau de poste.

Dans la nuit marine et blanche, les maisons ajoutaient leurs fenêtres lumineuses à l’éclat des arbres de Noël. Si une lune nouvelle étincelait dans le ciel, c’était parfait comme tableau.

— La lune, ici, constatait Madeleine, ne ressemble pas à celle de la ville. Elle est en relief, détachée, et quand elle est ronde, on dirait une balle qui va rouler…

— C’est bien ce qui arrivera un jour, si les Russes continuent à la viser !


Au retour, le coin du feu était meilleur. Pendant la lecture du journal, elles songeaient qu’en dehors de leur oasis, le monde hélas, s’agitait. Tout était toujours remis en question. Les catastrophes abondaient. Louise devenait pensive, un instant assombrie avant de récupérer sa paix. Madeleine, plus détachée de l’actualité, assez jeune pour