Page:Le Normand - La Montagne d'hiver, 1961.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LA MONTAGNE D’HIVER

Cette côte n’avait qu’un seul remonte-pente et il ne fonctionnait que lorsqu’il y avait affluence. À mi-hauteur, une ravissante petite maison jaune et brune, à toit pointu, à large cheminée, servait de restaurant. Ce casse-croûte modeste était entouré d’une terrasse, où, plus tard, les gens flâneraient au soleil entre les descentes et à l’heure du midi. En décembre, en janvier, sauf au moment des vacances, La Solitaire demeurait silencieuse et déserte. C’était une descente difficile et raboteuse au sommet, mais aisée et douce dans sa dernière moitié.

— Tu y verras le duc, et aussi, l’instructeur Paul. Celui-ci est un skieur enragé. De dix heures du matin, au coucher du soleil, il est là, à monter et à descendre. S’il n’a pas d’élèves, il s’occupera de toi. Il sait qui tu es, et nous sommes amis. Savais-tu qu’il a bâti ma maison ? L’hiver, il est instructeur. L’été, c’est un bâtisseur, et dans la bonne tradition. C’est un artiste. Il ressuscite et améliore le style de nos ancêtres, ces maisons qui sont vraiment ce qu’il faut pour notre neige et notre climat. Si le village est aussi joli, c’est à lui et à son frère que nous le devons. Ils donnent le ton. Ils réussissent si bien, qu’ils parviennent, sans modifier la ligne, à construire de façon à ce que les mansardes ne soient pas trop basses, et que la pente du toit ne gêne pas et soit à peine visible, à l’intérieur. Cela, pour les très grandes maisons. La nôtre étant parmi les humbles…

— Mais comment vais-je le reconnaître, votre Paul, puisque vous ne serez pas avec moi ?

— Impossible de te méprendre. Il a déjà la peau brune comme un Bédouin. Il te saluera de son sourire éclairé par la plus blanche denture que j’aie vue dans ma vie. Je lui répète qu’il perd de l’argent par sa faute, qu’il devrait vendre ce sourire comme annonce de dentifrice.

— Ah ! Louise, qu’il fait bon vivre aux Escarpements !