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LA MONTAGNE D’HIVER

ivre, et qui, chancelante, buvait encore dans un verre à moitié rempli. Son compagnon, à peine plus âgé, brandissait la bouteille. Ils étaient étrangers au village, mais cela ne changeait rien. N’adopterait-on pas quelque règlement, pour arrêter pareil scandale ? Louise perdait sa sérénité. Madeleine se serait étonnée du pli de souffrance qui barrait alors le front de la femme heureuse !

Lorsque Louise rentrait de l’église, Madeleine l’attendait, déjà revêtue de son costume de ski.

— Quand m’éveillerez-vous enfin, pour que je vous accompagne ?

— Madame Madeleine m’accompagnera lorsqu’elle s’éveillera d’elle-même ! signe de santé, qui lui permettra de se livrer aussi à la dévotion !

Marie les accueillait dans la salle à manger.

— Pourquoi êtes-vous le « miracle », demandait encore Madeleine.

— Mademoiselle vous le racontera…

— Oui. Quand tu auras commencé à assister à la messe avec moi ! Tu seras dans les dispositions nécessaires pour comprendre une certaine forme de merveilleux…

— Vous m’intriguez.

— C’est excellent pour ton imagination. Cela, et les délices du ski. Elles seront fameuses aujourd’hui. Il est tombé quelques pouces de poudreuse idéale…

— Serez-vous avec moi, ce matin ?

— Hélas, non. Un ouvrier doit venir. N’oublie pas que, présentement, tu es sans devoir. C’est un rare privilège. Va sur La Solitaire. C’est l’endroit par excellence, avec le soleil de l’avant-midi.

La Solitaire était un grand triangle blanc, taillé dans le flanc noir de la montagne qui bordait l’ouest du village.