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LA MONTAGNE D’HIVER

que le grand œil écarlate s’arrondissait. Certains jours, un frimas couvrait tout, glaçant, argentant les maisons. Quel peintre aurait pu rendre réel, pareil éclat !

Le spectacle différait avec les mois et les saisons. Plus tard, à sept heures, il ferait jour et les longues montagnes parfois se voileraient à demi d’une brume, à travers laquelle la chevelure noire des arbres serait grise. En plein hiver, Louise se levait avec tant d’effort, qu’elle n’ouvrait pas bien les yeux et ne regardait même pas dehors. Prête à sortir, elle constatait que la double porte refusait de bouger. La nuit, une tempête l’avait bloquée. Avec peine, Louise réussissait enfin à l’entr’ouvrir assez pour se faufiler, et elle essayait de se rendre quand même à l’église. Elle enfonçait si profondément à chaque pas, qu’elle en perdait le souffle. Elle devait rebrousser chemin. Pourtant, une fois debout et habillée, que faire avant sept heures, dans la maison endormie ?

Elle endossait son anorak, chaussait ses bottes, et sortant de nouveau, elle repartait, mais cette fois sur ses skis. La mauvaise humeur, qui l’avait indisposée devant la résistance de la porte, se transformait en gaieté. Les skis bien fartés creusaient leur sillon, glissaient, et Louise descendait le bout de côte plus escarpé d’un élan sûr. La première fois qu’elle avait eu cette aventure, Louise s’était souvenue de sa mère, disant un matin de tempête : « Impossible d’aller au couvent mes petites, les chemins ne sont pas battus. » Mais la sainte femme revenait elle-même d’une messe à l’aube, essoufflée et les joues rougies par le vent.

Pourquoi pense-t-on si souvent à sa mère, en vieillissant ? pourquoi comprend-on si bien des choses qui ont semblé de tous les instants et sans importance ?

Dans la Sacristie où la Sainte Messe se célébrait l’hiver, pendant la semaine, des distractions assaillaient Louise. Le