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LA MONTAGNE D’HIVER

En silence, Louise et Madeleine commencèrent à manger.

— En vieillissant, dit Louise, comme pour achever de répondre aux pensées de sa jeune amie, — en vieillissant, tu apprendras, toi aussi, que le bonheur de nos vies ne dépend que partiellement des autres, et des circonstances plus ou moins bonnes. Il faut qu’il soit en nous, qu’il vienne de nous. Il peut ensuite surgir des choses et des êtres. Les choses à vrai dire, déçoivent moins que les humains. L’intérêt qu’on leur porte peut souvent consoler. Mais le vrai bonheur, le seul solide, il faut qu’il soit avant tout en nous-même,… je veux dire en Dieu, puisqu’il est là. Autrement, toute joie est fragile, incertaine…

Louise Janson livrait-elle là le secret de la femme heureuse ? Elle indiquait en tous cas, une source de grâces.

Madeleine se souvint que Louise se levait tôt pour assister à la messe. Elle était égoïste de vouloir prolonger la veillée.

— Ma demi-heure est écoulée. Merci de me l’avoir accordée et merci des sandwiches.

Elle souriait maintenant, mais avec des lèvres tremblantes. À la porte de sa chambre, elle répéta :

— Merci encore. Oh ! Merci de tout.

Et impulsive, elle embrassa Louise.

Seule dans le noir, comme d’une écluse, ses larmes jaillirent. Mais elles étaient d’une mystérieuse qualité et elles la laissèrent calme et consolée.

Dans la chambre voisine, Louise, qui avait deviné bien des choses, priait pour Madeleine.