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LA MONTAGNE D’HIVER

été certes meilleure que d’autres heures. Il n’aurait pas évité la détente contagieuse, salutaire pour son esprit tourmenté, mais sa détente à elle aurait été moins complète. Parce que Jean était mort et que tout était irréparable dorénavant, ce rappel devenait cuisant, inacceptable. Dans ces cours de préparation au mariage dont on parlait tellement de nos jours, enseignait-on qu’il faut apporter la joie à ceux qu’on aime ? Qu’il ne faut pas surtout l’éteindre ou la gêner constamment ?

Louise poussa la porte battante, son plateau à la main. Elle fut saisie par l’expression de Madeleine.

— Qu’y a-t-il ?

— Rien. Elle se reprit, elle ajouta : Rien de nouveau, du moins. Je me suis mise à penser à Jean.

— Pense à Jean aussi longtemps que tu le voudras. C’est normal. Tu l’aimais et il est mort. Mais ne t’attriste pas, je t’en prie. Il est plus heureux que nous. Il a terminé son pèlerinage. Il ne vieillira pas, tandis que nous,… nous,… moi surtout, c’est déjà commencé ! Allons, ne pense à rien de plus qu’à ce présent, que tu trouvais si merveilleux il y a un instant. La belle nuit. Le beau feu. La neige surtout… Et attaquons les sandwiches que j’ai faits parce que tu les aimes et que tu as besoin de reprendre du poids ! Avec Jean ou sans Jean, tu as eu probablement assez d’expérience toi-même pour comprendre que le bonheur n’est jamais un état permanent ici-bas. N’oublie pas que demain nous irons en ski et que pour toi comme pour moi, c’est un des grands plaisirs de ce monde. Nous le retrouverons pour de longs mois, je te le promets, je m’y connais en tempête.

La braise grésillait. Les bûches en flammes criblaient subitement le foyer d’étoiles.