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LA MONTAGNE D’HIVER

d’être électricien, et ses remonte-pentes en ordre, il attendait. Le menuisier avait remisé ses rabots, préparé son modeste casse-croûte. Il attendait. Beaucoup d’hommes avaient un métier d’été et un métier d’hiver, et les épiciers, les bouchers, comptaient eux aussi sur la clientèle saisonnière. Sans neige, tout restait en suspens. Si elle tardait trop, le curé devrait organiser des prières publiques, certains feraient dire des messes à cette intention, comme on en fait dire pour obtenir de bonnes récoltes. La récolte du nord laurentien avait besoin de la neige. Louise disait malicieusement : Le curé pourrait profiter de l’occasion pour stimuler le zèle de ses paroissiens. Ils remplissent l’église aux Fêtes, aux premiers vendredis du mois, mais il n’y a que quelques vieux, dont je suis ! — et les Sœurs, — pour y venir pendant la semaine.

Entrer à l’église un jour de semaine, Madeleine constatait qu’elle non plus n’en avait pas l’habitude. Avec Louise, on ne passait jamais devant, sans y pénétrer au moins pour cinq minutes. Entendre la messe pendant la semaine, était également pour Madeleine une chose exceptionnelle. Sa famille ne s’y rendait que pour un anniversaire à célébrer, ou des grâces extraordinaires à obtenir.


Une journée sombre se leva, humide et couverte de nuages poussés par le vent d’est. Et le soir, la neige se mit à tomber avec abondance. À dix heures, avant de monter à leurs chambres, Louise et Madeleine, ayant éteint les lampes, se collèrent la figure sur la grande vitre pour mieux voir la tempête. Les flocons tourbillonnaient denses et drus, frappant la fenêtre. La nuit n’était plus qu’une blanche rafale.

— Cette fois, ça y est. Nous ferons du ski demain, si