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LA MONTAGNE D’HIVER

elle abandonnait bientôt la lecture pour revivre les promenades déjà emmagasinées dans son souvenir. Elle en avait fait d’extravagantes avec Louise. Elles s’étaient même rendues d’un village à l’autre.

Tôt, l’après-midi, pour profiter du soleil, elles étaient parties sur la route qui longe le Mont Gabriel. Le froid était sec et piquant, la chaussée nue, sans glace. Chaudement vêtues, elles marchaient avec tant d’agrément et de facilité, que d’étape en étape, Madeleine manifestait le désir d’aller toujours plus loin.

Le paysage suffisamment enneigé s’étalait, d’une clarté joyeuse sous le ciel bleu. Mi-blanches, mi-assombries par les ramilles des arbres qui les couvraient d’une résille, les montagnes étaient parsemées de beaux chalets juchés très haut. Le silence n’était troublé que par l’aboiement subit d’un chien, ou par les coups de marteau d’un chantier invisible. La route était déserte. Elle ondulait, tournait, ligne noire entre les fossés blancs tachés d’arbustes. Parfois, se dressait tout près un éperon de montagne, petit Gibraltar gris, un peu sauvage et menaçant. Puis, la route s’inclinait et voisinait avec les sinuosités de l’étroite rivière Simon. Quelques fermes, quelques villas cossues la bordaient. Elle finissait par se diviser et elle longeait à gauche, le pied du Mont Gabriel. Au sommet, un observatoire dominait la pente la plus roide. Des tiges de ronces piquaient encore la trop mince couche de neige. Quand donc ces côtes seraient-elles bien ouatées pour le ski ?

— Après la Sainte-Catherine, probablement, disait Louise. Mais cette pente, ne me demande point de la descendre avec toi ! Le scotch slip, ce n’est pas de mon âge.

À la prochaine croisée de chemins, Madeleine insista de nouveau :