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LA MONTAGNE D’HIVER

quand même la personne la plus joyeuse qu’elle eût rencontrée dans toute son existence ? Joyeuse, calme, active et entreprenante. Pouvait-on être heureux uniquement parce que l’on habitait une maison charmante et un village pittoresque ?


Les jours passèrent, sans épuiser pour la jeune femme leur charme de nouveauté. Elle continuait à chercher le secret de celle qu’elle appelait « la femme heureuse ». En elle-même, d’abord, puis tout haut, lorsqu’elle se fût assez familiarisée avec son hôtesse pour la taquiner. Le mystérieux attrait du village inconnu qui influait sur l’humeur de Madeleine, ne suffisait pas à rendre tenace la joie de Louise, trop habituée à son atmosphère.

Pour Madeleine, c’était différent. Elle vivait avidement ces jours de soleil et d’air pur. Elle ne songeait pas à son avenir. La saine fatigue des longues promenades dans la campagne, lui communiquait une surprenante quiétude. Elle rentrait physiquement lasse, mais ravie. Elle ressentait la soif, la faim, la fatigue, mais par-dessus tout, un bien-être sans pareil. Elle se pelotonnait dans un fauteuil. L’attentive Marie venait ranimer le feu, et lui apportait une tasse de thé. Madeleine savourait lentement le breuvage en regardant pétiller les bûches d’érable.

En décembre, l’ombre envahissait tôt le salon. Par la grande fenêtre, elle voyait diminuer les couleurs du couchant. Elle comprenait que des petites choses sans importance pouvaient produire le bonheur : que le bonheur, parfois, du moins, pouvait naître de cet état d’âme particulier, de l’absence actuelle de chagrin, et du fait d’être fatiguée et de se reposer.

Elle allumait une lampe et reprenait un livre demeuré ouvert sur le bras de son fauteuil. Mais le plus souvent,