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LA MONTAGNE D’HIVER

reproduit quelques-uns des salons, à l’occasion d’un grand mariage, un jour. Je te montrerai cette revue. Le duc et la duchesse reçoivent aussi des « paying-guest. » Ceux-ci doivent montrer patte blanche, avant d’être admis, tu penses bien ! Comme chez nous, ajouta-t-elle, avec un sourire moqueur. Tu verras le duc sur les champs de neige. Il est merveilleux, comme skieur. Il semble voler, tant il est léger et rapide. Il ne doit plus être très jeune, pourtant, mais il est resté si svelte, si agile. Il donne aussi parfois des leçons. Une de ses anciennes élèves prétend que pour lui enseigner à faire un brusque virage, il lui disait : « Show your seat to the village ! » En français, je ne sais pas de quels termes il se serait servi. Il le parle admirablement. L’hiver dernier, ils ont eu la visite de la fille de Tolstoï. Je l’ai vue… sans le savoir. Celle qui a écrit ses mémoires. Les as-tu lus ? Ils sont passionnants. Je te les prêterai.

L’Angélus sonna. Le tintement des cloches s’éparpilla au-dessus du village. Quelle impression de paix émanait de cette tranquille atmosphère. Madeleine, de nouveau, fut envahie par une onde de joie, mais cette fois, elle constatait son bien-être. La réalité douloureuse était-elle restée à Montréal ? Ce changement absolu de décor accomplirait-il des prodiges ?

Louise lui montra le sommet du Mont Gabriel :

— Nous nous y rendrons. En ski, ou en voiture, ou même à pied. De là-haut, la vue s’étend très loin.


Au début de l’après-midi, allongée sur le lit de la chambre où Louise l’avait installée, Madeleine, surexcitée, ne parvenait pas à dormir, même si elle s’était levée très tôt, ce matin-là. Cependant, au lieu de songer à son propre sort, elle songeait à son hôtesse. Quel était son secret ? Son visage n’exprimait que la sérénité. C’était pourtant une