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LA MONTAGNE D’HIVER

Au bas de la pente, les skieurs tournaient à droite et traversaient une première clairière bien protégée du vent et inondée de soleil. Sur les montagnes qui la cernaient, des rochers glacés brillaient et des arbres rayaient de lignes noires l’éblouissant fond de tableau. Ils s’arrêtaient pour s’extasier. Quelqu’un les rappelait à l’ordre :

— Ne vous pâmez pas si vite. Tout le long les épinettes, les cèdres, les pruches et les mélèzes vont vous servir de cortège.

L’air était pur. Le ciel bleu net avait l’éclat de la porcelaine. Paraissant inaccessibles, isolées les unes des autres, des maisons de rêve s’accrochaient aux flancs des collines.

Tous, au fond d’eux-mêmes, désiraient avec intensité posséder un semblable refuge, véritable image du paradis que chacun souhaitait habiter. Pour les citadins agités qu’ils étaient, pareille retraite représentait la paix permanente, suprême. Ils ne songeaient pas que chacun pouvait y apporter ses propres tourments, et que le bonheur était d’abord en soi. Quelques-uns exprimaient tout haut leur souhait et vantaient les bienfaits de la solitude et de l’hiver dans la montagne.

À même le versant coupé à pic, comme une rampe montait la piste. Par degrés, la vue s’élargissait. Ils allaient lentement, pour s’habituer au rythme de l’ascension, ce qui leur permettait de se remplir les yeux du spectacle. Personne ne pouvait demeurer indifférent. Quand ils se détournaient, dans la tête des arbres, arrondi comme l’œil d’une lunette d’approche, parfois un espace encadrait un fond de vallée où la cheminée d’un beau chalet fumait. Les sommets bleutés se chevauchaient, doucement allongés, comme d’énormes bêtes au repos.

Plus tard, le sentier s’enfonçait entre les montagnes et traversait une espèce de défilé. Ils se croyaient perdus