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LA MONTAGNE D’HIVER

petit malheur personnel ? Avait-elle le droit de se plaindre et de pleurer sur elle-même.

À l’heure du café, elle se sentait plus courageuse. Elle ne courrait pas comme saint André au-devant de la Croix, mais elle cesserait de traîner la sienne ; elle la porterait.


Hélène se rendait un peu plus tard à une réunion d’anciennes élèves, au Sacré-Cœur. Elle lui offrit de la reconduire chez elle. Madeleine refusa :

— Je vais marcher. Il fait beau et j’ai tant mangé ! Je te remercie beaucoup. Que j’aime tes enfants.

— Alors, viens les voir plus souvent. Et promets-moi d’écrire à Louise immédiatement. Ne remets pas à plus tard.

— Je te le promets. Aller chez Louise me plaît. Au revoir. Merci encore de ce que tu as fait pour moi aujourd’hui, en tout et partout !

Aller chez Louise ! Enfin, la jeune femme projetait un regard vers un avenir qui ne l’effrayait plus.

Maintes fois, avec Jean, elle avait parlé de passer des vacances d’hiver dans les Laurentides. Jamais son mari n’avait réussi à quitter sa clientèle. Toujours quelque grand malade réclamait des soins urgents. Madeleine se résignait. D’ailleurs, elle admirait Jean d’être plus humain que tant de ses confrères. Mais un séjour d’hiver avec lui dans le Nord, avait continué de hanter ses rêves.

Lorsqu’elle y allait le dimanche avec des amis, elle revenait émerveillée. Même si, au départ, un peu d’amertume se mêlait à ses sentiments. Elle serait malheureuse toute la journée, se disait-elle. Ses amies étaient accompagnées de leurs maris ; le sien n’aurait-il pas pu enfin se dégager, lui aussi ?