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LA MONTAGNE D’HIVER

étaient gainées de nylon beige. L’enfant était féminine jusqu’au bout des ongles. Gracieuse, un peu timide, mais sans gaucherie.

Madeleine sans le dire, reprochait souvent à son aînée d’être mondaine. Mais, il lui fallait bien reconnaître qu’Hélène avait donné à ses enfants des manières remarquables. Mireille avait une façon de tendre la main, de saluer, qui était élégante. Elle témoignait d’une légère hésitation, naturelle à son âge, et cependant le geste était précis, d’une étonnante correction. L’enfant devenait d’ailleurs si belle, qu’il fallait admirer ses traits délicats, sa peau fine, la ligne droite de son nez, l’arc régulier de ses sourcils au-dessus de ses beaux yeux limpides.

Le père et les fils survinrent ensemble. Le même accueil chaleureux réconforta Madeleine. L’embarras momentané, que ce premier retour aurait pu provoquer, se perdit dans le tumulte verbal, que deux garçons remplis d’idées et animés d’un penchant certain pour la contradiction, pouvaient produire autour d’une table.

Léon Vincent discutait d’égal à égal avec ses fils. Ils parlèrent de tout. Politique commerciale de l’Angleterre, politique de la province et politique internationale. Ils discutèrent l’attitude des États-Unis, l’exportation du fromage, du bacon, des pommes et du blé ! Tout y passa. Même la guerre froide, qui semblait préparer un prochain conflit…

Les garçons parlaient avec violence, puis brusquement se calmaient. Le père disait :

— Il est vraiment impossible en vérité de savoir qui a raison, dans un pareil monde. Monde à l’envers. Que les États-Unis aient l’intention de prévoir et d’empêcher l’agression communiste, c’est entendu. Mais quand on repense à l’intervention en Corée, si l’on essaie d’imaginer des étrangers venant dans notre pays pour régler nos différends, la fureur nous envahit. Il y a partout du gâchis. Et