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LA MONTAGNE D’HIVER

n’aurait pas pu expliquer pourquoi. Elle souhaitait devenir invisible. C’était ce qui donnait à ses yeux si noirs cette expression farouche.

Pourquoi donc n’avait-elle pas songé plus tôt à se réfugier chez Louise Janson ? Elle y trouverait la paix, elle en était sure. Louise serait non seulement discrète, mais elle la protégerait des intrus. Elle ne chercherait pas à la conduire, et son humeur égale contribuerait à la guérir. Ah ! enfin, être de nouveau capable de choisir entre deux décisions à prendre, et ne plus ressentir cet affreux dégoût pour tout. Pendant tant d’années, Madeleine avait accueilli chaque matin comme le messager d’une joie toujours attendue. Depuis son malheur, elle s’éveillait angoissée, ne désirant qu’une chose ; continuer à dormir, pour ne plus penser.

Hélène avait raison. Il fallait sortir de cet état. Consentir à aller chez sa sœur était une première victoire de sa volonté.

Après une période désagréable et difficile, où comme les autres Hélène avait dû se passer de domestiques, elle venait de prendre à son service un couple hollandais, qu’elle trouvait parfait. En rentrant, les deux jeunes femmes n’eurent qu’à attendre l’heure du repas.

La petite Mireille arriva la première.

— Ma tante ! s’exclama-t-elle, avec un plaisir si évident que Madeleine en fut touchée aux larmes. Elle embrassa l’adolescente, l’attira près d’elle pour cacher son trouble, rapprochant la joue satinée de l’enfant de la sienne. Un rapide moment d’émotion lui coupa le souffle. Elle put ensuite sourire au joli visage tendu vers elle, un point d’interrogation dans les yeux.

Mireille avait treize ans. Déjà, elle s’habillait en jeune fille. Elle portait ce matin-là une chemisette blanche à col rond, et une jupe noire plissée. Ses jambes très droites