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LA MONTAGNE D’HIVER

Quand il la regardait ainsi avec un visage sombre qui semblait dur, elle sentait sourdre en elle une violente révolte. Elle aurait voulu tout quitter et disparaître à jamais. L’expression de Jean contrastait trop avec le sourire égal et doux qu’il avait pour tout le monde. Madeleine avait l’impression qu’il s’était pris à la détester et qu’il ne pourrait plus à un moment donné, endurer même sa présence silencieuse. Pourtant, si c’était elle qui était souffrante, il devenait attentif et si bon qu’elle n’y comprenait rien. Et elle en concluait que son expression parfois si dure ne signifiait pas cette haine qu’elle redoutait et imaginait.

Madeleine répéta :

— J’ai envie d’aller avec toi. Il fait si beau.

Il leva vers elle des yeux bienveillants, cette fois, et il répondit :

— Je serais bien content. Tu conduirais. Je suis d’avance fatigué. Ma journée est trop remplie. Mais apporte un livre. Je peux être retenu assez longtemps chez ce malade.

Il lui raconta ce nouveau cas : un vieillard riche et têtu ; ses domestiques l’avaient abandonné, et il fallait le décider à faire un séjour à l’hôpital. Ce serait laborieux.

En l’écoutant, Madeleine constatait la lassitude qu’exprimait sa figure sans teint. Était-il malade ? Elle voulait le supplier de se ménager un peu. Elle n’osait pas. Tant de fois il s’était impatienté de sa sollicitude.

— À quelle heure faut-il que je sois prête ?

— Un peu après quatre heures.

C’est alors qu’elle s’était souvenue que le plombier devait venir. La réparation avait été retardée depuis trop longtemps, pour le décommander.