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LA MONTAGNE D’HIVER

qui m’effraie aussi, pour me rassurer, je le compare à une démarche que je dois parfois faire et qui est d’avance, pendant des jours, un cauchemar, une torture. Puis, le moment venu d’agir, la démarche est facile, simple. Mourir sera simple. Nous sommes dans la main de Dieu.

***

Dans sa chambre, Madeleine accroche à un cintre son costume de ski, et elle revoit le splendide matin de neige qui a précédé ce jour allongé et assombri par la mort de Maryse.

Pour les bonheurs, pour les chagrins, pour les maladies, la richesse, la pauvreté, nous sommes dans la main de Dieu. Le bien le plus grand du monde, et l’essentiel de tout, c’est la foi.

— Mais quelle lampe fumeuse et inutile était ma foi, avant que je vienne ici, se dit Madeleine.

La splendeur du matin était la promesse de la magnificence éternelle des choses que Dieu voulait de nous. Elle se jette au pied du lit, elle prie cherchant à rejoindre Maryse, à la mieux comprendre, à l’aider avec ses intercessions, si Maryse n’a pas encore complété ce saut qu’elle redoute tant elle-même, ce saut d’un monde à l’autre.

Longtemps, elle reste éveillée. Mais ensuite elle rêve. Jean est là. Il répète avec une voix, insistante et douce et obsédante : « Ne t’inquiète pas. Ne t’inquiète jamais ».

Elle rêve aussi que l’hiver n’est pas achevé et qu’elle descend sur ses skis un long flanc de montagne, velouté, interminable, et la descente est une extase. Le soleil est d’or, le ciel bleu et sa félicité grandit tellement que sa violence l’éveille.