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LA MONTAGNE D’HIVER

sa distinction rare. Elle s’était répété : « Que Maryse est belle. » En même temps, cette image se gravait singulièrement en elle, comme s’il était très important, très significatif, d’en conserver le souvenir. Elle avait ressenti un étrange petit choc qu’elle ne s’était pas expliqué.

C’était donc un pressentiment ? Cette Maryse, elle ne la reverrait plus.

Nerveuse, Louise continuait à penser tout haut :

— Je la connaissais depuis qu’elle était au monde. Toute petite, elle était déjà très personnelle et rien, jamais, n’a réussi à lui faire perdre son enthousiasme pour une multitude de choses. Fillette, elle faisait enrager sa mère quand j’allais chez elle, sortant toutes ses robes pour me les faire admirer, quand celle-ci aurait aimé que nous causions en paix. Causer en paix ! Avec Maryse enfant, il n’en était pas question.

— Elle m’a fait beaucoup discuter, elle s’est amusée à me faire marcher sur les sujets qui me tiennent à cœur, mais le fond de sa pensée, je crois qu’elle l’a toujours gardé pour elle. Elle se prétendait moderne, elle se disait bavarde, mais elle pratiquait la pudeur dans tous les sens du mot. Que de contrastes en elle…

— Nos gens partent tous ce soir, par l’autocar de huit heures. Je pourrai donc quitter la maison demain. Viendras-tu ?

— Je vous accompagnerai.

Les liens qui unissaient Madeleine à Maryse étaient fragiles et neufs. Pourtant, cette mort la touchait vivement. Elle s’était attachée à son rire, à son humour, à sa franchise, elles avaient échangé des promesses de revoir, elles avaient résolu d’unir souvent leurs deux solitudes. Maryse