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LA MONTAGNE D’HIVER

Ouvrant la porte, elle vit sa sœur dans son attirail accoutumé : le vieux pantalon, le chandail. Elle s’exclama avec humeur :

— Tu n’es pas prête ? À quoi penses-tu ? Je t’avais dit que je venais tôt…

— Tu te trompes. Je suis prête. Je n’ai plus qu’à mettre ta robe.

En effet, Madeleine avait les cheveux bien brossés, les lèvres rougies, les joues légèrement poudrées. Avec son profil net, régulier, sa pâleur ambrée, sa bouche fine et triste, de quelle toilette avait-elle vraiment besoin ? Elle serait belle même en haillons, songeait Hélène avec envie, en la regardant se hâter vers sa chambre.

— A-t-on idée de se cloîtrer, avec une taille pareille ? Il faut que je la sorte de son marasme.

La jeune femme reparut, enveloppée de son manteau de castor, coiffée du chapeau d’occasion, et le cou nu, sans écharpe. Elle s’en excusa :

— Je n’en ai pas de noire, ni de blanche. Mon manteau boutonne assez haut. Ça ne se verra pas.

— Ça te donne une apparence de misère dont tu pourrais te passer ! Inscris tout de suite « écharpe », sur ton agenda. Ce sera probablement inutile. Ton petit air pauvre m’empêchera de l’oublier.

Hélène se tut. Elle s’était promis de se surveiller, de ne pas brusquer Madeleine. Lorsqu’elles furent installées dans la petite voiture, elle risqua, après quelques propos vagues :

— Léon est d’avis que nous ne devrions pas te laisser seule. Tous croiront que nous ne nous aimons pas. Ils ne savent pas que tu as refusé l’hospitalité que nous t’offrions de bon cœur. Accepte, au moins, que Mireille vienne chez toi tous les soirs ? Tu habites à deux pas de son couvent. Tu lui rendrais service. Sans compter qu’elle passe actuelle-