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LA MONTAGNE D’HIVER

— Pour cela, oui. Mais le moment viendra vite où tu en auras assez de la lui entendre chanter ! Il recommence volontiers les mêmes histoires. La deuxième fois, tu y découvriras de nouveaux détails passionnants. La troisième fois, tu pourras lui aider à raconter certains faits. S’il bute sur un nom, tu le lui souffleras et il ne s’en apercevra même pas… La quatrième, tu penseras à autre chose, la cinquième, tu murmureras : Ah ! la barbe !

— Vous exagérez, vous êtes une mauvaise chrétienne, sans charité…

— C’est vrai. Je devrais dire que j’exagère, que j’essaie de t’imiter et de mettre le fion, mais hélas, pour moi, il y a eu des sixièmes, des septièmes…

— Préparez-vous donc à la patience. Il y aura une huitième fois. Il m’a promis qu’il nous amènerait toutes les trois dîner au Mont Gabriel, un soir de la semaine prochaine.

— Ne te réjouis pas trop vite. Il oublie ses promesses.

— Je m’arrangerai pour lui rafraîchir la mémoire…

— Ne t’y risque pas, il serait insulté. Il faut attendre le moment où il est disposé à tenir parole.

— C’est vrai qu’il se fâche ! Il s’est fâché cet après-midi. Deux fois, il a mal pris mes plaisanteries.

— Des énormités ?

— Peut-être.

— Ne te montre pas telle que tu es parfois…

— Comment ?

— Avec ton caractère léger, ta religion faussée…

Maryse rit de nouveau. Elle paraissait avoir fréquenté en vain le bon Père dont elle avait parlé à Louise. Il lui arrivait de dépasser la mesure en badinant sur des sujets