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LA MONTAGNE D’HIVER

Elle la prenait, parce qu’elle avait quelque chose à dire, et la verve qu’il fallait pour captiver l’attention.

Quand elle revenait de ses visites chez le Colonel, elle rapportait un plein panier d’anecdotes, et à table, elle faisait rire tout le monde. Il faut dire qu’elle flirtait un peu avec cet homme de soixante et quinze ans.

— Ça lui fait plaisir. Ça le rajeunit. Il reprend les manières galantes de son époque, il me les prodigue. Son esprit est encore vif. Mes badinages le stimulent jusqu’à ce que…

— Jusqu’à ce que… ? demandait Louise, les sourcils froncés…

— Jusqu’à ce que je le fasse bondir et se fâcher noir ! Mais je le flatte ensuite dans le bon sens, et il revient vite à sa bonne humeur, et nous recommençons à nous raconter mutuellement nos vies. Décidément, je l’aime bien, et c’est dommage qu’il ne soit pas plus jeune. Il a l’esprit très fin.

— Et il est riche, ce qui le rend encore plus fin, insinuait Louise, malicieuse. Et il est allié à celui-ci et à celui-là, il a fait ses études en Angleterre, ce qui donne du prix à sa personnalité, hein, Maryse ?

— Ne vous moquez pas de mon snobisme. Je suis sincère. Je l’aime. Pas autant que mon beau Charles, mais je l’aime !

Toute la maisonnée était maintenant au courant de ses amours interrompues. Elle en badinait comme du reste. Mais c’était du Colonel qu’elle s’occupait présentement :

— Quelle existence il a vécue. Je n’en reviens pas. Il a eu de la veine.