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LA MONTAGNE D’HIVER

retrouvait la faim, ne sentait plus ses malaises, sa lassitude ; elle s’amusait et se laissait dangereusement entraîner d’une réception à une autre.

Elle dépassa toute mesure, jusqu’à cette crise qui contraignit le docteur à un diagnostic cruel.

Pendant qu’elle demeurait dehors avec Louise, confortablement enveloppée d’une couverture de laine, le bien-être lui faisait retrouver sa drôlerie accoutumée. Elle commentait de nouveau ses sentiments, avec le pittoresque comique qu’elle pouvait donner à n’importe quel récit. Elle se promenait du présent au plus lointain passé, et elle cherchait les causes de ses manquements et de ses sottises. Elle demandait des conseils. Elle affirmait qu’elle était décidée à les suivre, à vivre désormais suivant les données de la raison… Mais oui, puisque tout son temps lui appartiendrait, et qu’un régime plus sévère l’obligerait à moins sortir, il lui faudrait occuper ce temps avec un travail intellectuel.

— Si je m’amende, ma mère sera heureuse.

Elle adorait sa mère, ne trouvait personne d’aussi extraordinaire, et, cependant, elle la fatiguait, la tourmentait sans répit. Si bien, que pour des étrangers, elles pouvaient toutes les deux parfois sembler vivre dans la mésentente. Pourtant, aucune affection n’était plus profonde, et elles possédaient le même humour, la même façon de s’amuser de tout ce qui était cocasse ou bizarre.

— Je grogne contre ma mère, disait Maryse, mais je ne la changerais pas pour tout l’or du monde. Si elle meurt avant moi, je ne sais ce que je deviendrai.

Elle disait encore :

— Maman se fatigue de me voir fatiguée, et moi, j’ai mal de la voir avoir mal. Quand elle souffre de son rhumatisme et que je la vois faire semblant de ne rien sentir,