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LA MONTAGNE D’HIVER

cela à Louise, cachant l’extrême fond de sa pensée sous un continuel badinage.

— Il faut dire que ma mère, plus snob que moi, ne l’avait jamais accueilli bien tendrement. Elle fut fort contente d’être délivrée des petits soupers faits aux frais de son garde-manger !

Elle riait, mais elle ressentait maladivement la perte de cette affection. Elle se persuadait maintenant qu’elle aimait Charles plus que tout au monde, et qu’elle aurait été heureuse de l’épouser.

— Avoir enfin une vie normale, un foyer à moi, un mari à moi ! Ma seule possession, présentement, c’est mon auto. Avoir une vraie maison comme la vôtre, Louise, et à la campagne, même. Il me semble que ce serait le bonheur.

Elle occupait ses loisirs à faire des plans pour retrouver cet ami, le reconquérir, se promettant de dire oui, cette fois, à ses propositions. Elle ne parlait guère d’autre chose lorsqu’elle était seule avec Louise. Même si celle-ci ne l’encourageait pas, et l’invitait plutôt à un examen réaliste de la situation, lui représentant l’inutilité de ce chagrin à retardement. Celui qu’elle avait dédaigné et qui était assez intelligent pour le ressentir, ne lui reviendrait plus. Ce qu’elle devait faire aujourd’hui, c’était d’abord récupérer ses forces, sa santé, autant que la chose était encore possible. Malade comme elle l’était, comment pouvait-elle envisager le mariage et ses obligations ? Le médecin lui ordonnait de demeurer au lit jusqu’à midi. Pourrait-elle tenir une maison ?

— J’aurai une servante, rétorquait-elle.