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LA MONTAGNE D’HIVER

béatitude. C’était un don de Dieu, cette étendue éblouissante sous ce ciel totalement bleu. Un don, et le secret de Dieu, en regard du chaos du monde, des guerres jamais éteintes, du triomphe apparent du mal et de la misère.

Madeleine constata qu’elle avait intérieurement adopté la façon de Louise ; sa joie souvent se transformait en prière, en oraison plutôt. Mais l’oraison, était-ce cela ? Elle l’ignorait.

Même pour Georges si jeune, la beauté de l’heure tenait du divin. La longue et douce pente achevée, ils s’arrêtèrent. Le jeune homme s’exclama :

— Quelle impression ! C’était trop beau. Ah ! le ski, je l’aime de plus en plus.

— Plus que vos « blondes »…

— Autant, ma foi…

Il s’appuya à une clôture, allumant une cigarette. Le soleil de midi leur chauffait le dos. Un chien aboya, puis le silence se reforma. De loin, ils entendirent plus tard sonner l’angelus, mais sans voir de clocher. Ils repartirent, dépassant des villas, quelques fermes, puis un étroit chemin communal que la piste traversait. D’un ponceau, ils se penchèrent au-dessus d’un bout de torrent libéré de glaces, et tout joyeux de l’être.

Des flèches de toutes les couleurs indiquaient à l’entrée d’une cour, où s’en allait la piste. Ils étaient au bas d’un grand versant déboisé, d’une blancheur intacte. Ils le gravirent lentement, mais eurent ensuite le goût de le redescendre. La neige y était souple et moelleuse et la joie de s’y laisser emporter par la vitesse, valait la peine que comportait l’ascension. À mi-côte, ils ne sentaient pas de vent, il faisait chaud. Ils décidèrent d’y rester pour manger. Sans enlever ses skis, Georges parvint à se mettre à cheval sur une clôture de perches.