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LA MONTAGNE D’HIVER

leurs véritables sentiments, ils s’étaient éloignés, se dérobant l’un à l’autre le meilleur de leur âme. Le caractère nerveux et irritable de Jean constamment surmené, rendit vite leur malaise incurable. Toute sa patience, il la dépensait pour ses malades.

Maintenant, tout était à jamais fini. Non, pourtant. Pas à jamais. Graduellement, Madeleine retrouvait une foi plus active. Elle aspirait momentanément à l’éternité, à l’amour réel, et elle doutait de tous les bonheurs terrestres. Elle n’en voulait plus au ciel comme autrefois, des absurdités apparentes de la vie. Était-ce pour l’amener enfin à comprendre, que Dieu l’avait ainsi frappée ?


Le timbre de la porte la fit sursauter. Quelle heure était-il donc ? Sa sœur Hélène venait ce matin pour l’accompagner dans les magasins. Hélène, en voilà une qui ne se demandait jamais si elle était heureuse en ménage. Elle prenait tout pour acquis. Elle ne fendait pas les cheveux en quatre. Par nature, elle aimait tout ce qui lui appartenait. Elle vantait son mari, ses enfants, sa maison, ses domestiques et même ses voitures. Car Hélène, mariée richement, vivait dans le luxe. Tant que ses enfants avaient été petits, elle avait été très dévouée, très maternelle, mais elle pouvait aujourd’hui suivre librement tous les courants à la mode. Dans une grande ville, ils se multiplient. Hélène était partout.

Son mari l’accompagnait sans offrir de résistance. Parfois, il exprimait bien le désir de demeurer un soir sans sortir, mais Hélène réussissait toujours à l’entraîner. D’ailleurs, travaillant comme quatre pour gagner tout cet argent qu’ils pouvaient ensuite dépenser sans compter, le monde lui apportait une détente salutaire. Chaque fois, Hélène pouvait affirmer victorieusement :