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LA MONTAGNE D’HIVER

c’est baigner de longues heures dans la lumière, dans la splendeur ; c’est goûter un des plus purs bonheurs de l’existence. Bonheur unique, intense, simple et complexe à la fois. Jamais Madeleine n’éprouve plus de confiance, plus d’ardeur, plus d’amour et plus d’enthousiasme qu’elle n’en ressent à de pareils moments. Les délices du ski lui font tout pardonner à la vie. Il n’y a pour un temps ni passé, ni avenir. L’habituelle, la torturante impression d’attente et de désir cesse. Le présent comble. Elle voudrait l’éterniser.

Elle avait discuté cet état d’âme particulier devant Alain Chartier, l’autre jour, au Chantecler, pour convaincre ses amis Martin. Elle l’analysait avec Georges Harel, maintenant. Tous les deux s’exaltaient comme s’ils avaient été du même âge.

Cette entente incita Georges à conduire Madeleine dans d’autres chemins qu’il aurait en même temps le plaisir de revoir. Ils prirent l’autocar pour Sainte-Adèle, un matin, apportant une collation dans leur havresac. Ils casseraient la croûte, quand la faim se ferait sentir, en pleine montagne. Dieu était bon pour eux. Le temps se maintenait ensoleillé, et presque chaque nuit tombait une mince couche de neige. À travers les champs, leurs skis glissèrent sur une surface neuve, jusqu’à l’amorce d’une route ornée d’une flèche indicatrice que Georges cherchait. La piste plongeait au fond d’une étroite vallée, traversait un boqueteau, remontait à pic. Ils la gravirent en traçant avec les empreintes de leurs skis, une gigantesque arête de poisson. C’était le moyen le plus rapide pour atteindre un sommet et ils avaient hâte de découvrir le spectacle de là-haut.

Un plateau rond, bien plat, formait un observatoire magnifique.