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LA MONTAGNE D’HIVER

Ce fut cependant Madeleine qui profita le plus du séjour de Georges. Elle connut bientôt toutes les pistes des alentours, où seule, elle n’avait pas jusqu’ici osé se risquer. Le jeune homme, comme tous ceux de sa génération, aurait probablement préféré le remonte-pente et les innombrables descentes vertigineuses. Mais la neige était damée, les côtes trop fréquentées, glacées et dangereuses, tandis que dans les sous-bois, les pistes étaient parfaites. Celles que Georges choisissait étaient d’ailleurs accidentées et ajoutaient au plaisir des promenades au cœur de la forêt, celui de nombreuses descentes.

Tous les jours, ils skiaient trois ou quatre heures. Ils allèrent d’abord, par un sentier de bûcheron qui traversait la montagne, jusqu’au petit village de Prévert. Deux traces de ski bien nettes, conduisaient par les sommets, d’une agglomération à l’autre. De l’est, le village apparut à Madeleine sous un angle nouveau. Il semblait totalement cerné par des remparts aux cimes barrées de sapins drus. Entre les montagnes, aucune dépression ne paraissait assez profonde pour servir de passage.

— Plus d’entrée, plus de sortie… Je désirerais vraiment qu’il en soit ainsi, qu’il n’y ait pas d’issue, que nous restions enfermés, protégés,… déclara Madeleine avec une étrange ardeur.

— Vous souhaitez la prison ?

— Oui, la prison « sans barreaux… »

— Pas moi, tout de même. Que diraient mes « blondes » ? Je ne les verrais plus ? Et puis, il me faudrait des neiges éternelles, et si vous m’en croyez, l’hiver ne durera plus très longtemps. Regardez là-bas. C’est une corneille qui passe ?

— Une corneille ? Ah !