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LA MONTAGNE D’HIVER

devait être avant tout la confiance. Le bonheur devait d’abord venir du cœur. Autrement, il ne serait jamais le bonheur. Les images des jours de colère et de mauvaise humeur, l’entravaient. Les expressions de fureur, les yeux méchants, la bouche cruelle, aux aguets dans le souvenir, menaçaient sans cesse le calme des jours apaisés. Ces moments terribles qui évoquaient la peur de la folie, du suicide, d’une fuite définitive, de l’abandon, de l’irrémédiable sous toutes ses formes, faisaient tout redouter.

Ce n’est qu’au contact de Louise que la jeune femme apprenait peu à peu que même les pires heures peuvent se transformer en grâces. Elle avait toujours prié, mais uniquement pour solliciter un soulagement immédiat à sa propre peine. Elle ne priait donc que pour elle ? Elle s’en voulait de n’avoir pas prié pour Jean. Il traversait évidemment des crises maladives. Et elle se revoyait dans un coin obscur de l’église, courbée sur son malheur, remplie de pitié pour sa vie à elle, suppliant pour obtenir sa délivrance et le retour au calme. Elle. Toujours elle.

Le calme revenait aussi rapidement qu’il avait été troublé. Mais l’amour ? Apparemment, oui. Toutefois, Madeleine ne cessa bientôt plus de pleurer intérieurement sur cet impardonnable gâchis que Jean faisait de leur intimité et de son affection. Elle souhaitait constamment pouvoir s’expliquer, dire ce qu’elle ressentait. C’était impossible. Elle avait trop peur du sursaut de fureur et d’incompréhension que pourrait provoquer le rappel du sujet brûlant. Mieux valait la paix précaire, encore douloureuse. Ses larmes pouvaient au moins sécher. Pendant la trêve, d’ailleurs, elle constatait à des impressions subtiles que Jean l’aimait toujours, qu’il s’inquiétait si elle paraissait malade ou triste. Mais comment aurait-elle pu comprendre les retours subits de mauvaise humeur, pires que les premiers