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LA MONTAGNE D’HIVER

l’on n’avait pas entendu. En tous cas, j’aurai tout de suite ce soir l’occasion de remettre les choses au point.

— Eh bien, voilà vraiment une sorte d’homme que j’admire, si parce que je m’appelle madame, il se retire discrètement.

— C’est un as, je vous le jure, et sur toute la ligne !

Madeleine ne fit aucun commentaire et la conversation dévia. Un peu plus tard, rentrant seule aux Escarpements, elle comprit cependant que les Martin voyant surgir Alain Chartier à leur table, avaient tout de suite songé pour elle à un remariage. Les humains avaient donc tous le désir d’arranger la vie des autres ? Même les plus intelligents n’y échappaient pas ?

Or, Madeleine ne désirait pas se créer de nouveaux liens. Elle aurait accueilli une amitié masculine, mais le danger de s’attacher était trop grand. Et c’était prématuré. Sa sœur Hélène déclarerait qu’elle était encore trop jeune et trop belle pour jouer avec le feu. Toutes les deux étaient d’ailleurs « vieux jeu », à cause de leur éducation. Malgré la liberté d’allures du monde actuel, Madeleine aurait considéré comme inconvenant d’accepter si tôt la compagnie d’un homme pouvant faire figure de prétendant. Le deuil d’une veuve, elle ne s’était inquiétée ni de ses lois, ni de sa durée. Elle se libérait du conformisme. Mais au fond de sa sauvagerie, une impression la guidait ; avoir été malheureuse en ménage, et avec un être dont les goûts, la formation et l’éducation étaient identiques aux siens, avait tué en elle toute foi en l’amour et jusqu’au désir d’être aimée.

Cet état d’esprit, laissait sans espoir une femme redevenue libre si jeune et sans enfants. La vie conjugale avait été pour Madeleine trop différente de ce qu’elle avait imaginé. Jean avait cessé trop vite d’être aimable et tendre.