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LA MONTAGNE D’HIVER

— Même contre ma mère. Elle qui a douté de moi, de mes intentions, depuis qu’elle habite à l’année nos hauteurs, je ne l’ai jamais vue si heureuse. Elle prétend qu’elle rencontre ses amies bien plus souvent que lorsqu’elle vivait à Montréal. Quelques-unes d’entre elles sont en repos, chez les Religieuses de Sainte-Adèle. Elles vont au Salut du couvent ensemble, elles se font de petites réceptions, elles jouent aux cartes ou tricotent pour les pauvres et confectionnent en collaboration des ornements d’église pour les Missions. C’est touchant. Aussi, j’ai le plaisir de déjeuner avec vous parce…

— Que tu as été assez audacieux pour t’inviter toi-même…

— Entendu. Mais aussi parce que ma mère recevait ses sexagénaires à déjeuner chez moi, et que j’ai pensé que ma place n’était pas parmi elles. J’avais également besoin de te revoir, après les émotions que nous avons partagées hier dans la forêt noire ! Badinage à part, il faudra que nous fassions du ski ensemble, un de ces jours, Mademoiselle…

— Madame.

— Ah ! fit-il.

— Ne te mets pas martel en tête, lança étourdiment Jules Martin, Madame, mais libre. Tu peux réitérer ton invitation.

Il se mordit les lèvres, craignant d’avoir manqué de tact à cause du deuil si récent de la jeune femme. Il n’osa pas prolonger l’explication.

Un chasseur vint à point prévenir celui qu’en elle-même, Madeleine nommait l’inconnu, qu’on le demandait au téléphone. Il se leva, s’excusa et partit. Mais elle n’eut pas le temps de s’informer de son identité qu’il était déjà revenu.