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AUX PHLOX
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errer autour du champ d’exploit. C’était voisin. Après le dîner, à une heure, nous disparaissions de nouveau ; cette fois, nous n’allâmes plus ensemble, mais dispersés avec les amis de nos âges divers.


À trois heures, pour le goûter, ma sœur Marie ne parut pas. Elle était blonde, élancée alors pour ses neuf ans, et fine à voir. Elle avait ce jour-là une petite robe bleue comme ses yeux qui la rendait plus jolie encore. C’était une proie tentante, n’est-ce pas, pour des Bohémiens ? On la chercha en haut, on la chercha en bas ; on l’appela en ouvrant la porte du grand salon assombri par les volets bien clos pour éloigner la chaleur ; on ressortit à sa recherche.

Quelques voisins prétendirent d’abord l’avoir vue aux abords du cirque, puis suivie par un monsieur louche. Cette histoire s’allongea jusqu’à ce qu’un petit garçon vînt assurer à mes parents qu’on avait vu un des cornacs la tirer de force dans une tente. La police fut alors avertie et une grande désolation envahit la maison. Nous ne sortions plus. Nous attendions. Dieu seul connaît le martyre de pareilles attentes, la folie de l’imagination, la noirceur des visions qui s’offrent l’une après l’autre. J’allai de haut en bas, de la galerie d’avant à celle d’arrière, du jardin au perron, puis je rentrai. Il était