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LA MAISON

qu’ils le veulent. Pour vous seul importe le délice, le tourment d’écrire.

Pourtant que malgré cette constante préoccupation vous produisez peu ! Les grands rêves, les beaux projets demeurent irréalisés, et les manuscrits, inachevés. Des idées qui paraissaient splendides cessent soudain de vous inspirer. Tous les jours des circonstances contraires surgissent ; travaux manuels indispensables, vie familiale, vie sociale.

Mais il subsiste en dépit de tout votre perpétuel désir d’écrire. Il subsiste, l’espoir caché de frapper un jour l’œuvre que vous réussirez. En dehors des tendresses qui vous entourent, rien ne vous tient plus à cœur que cet espoir. En échange, vous refuseriez tout l’or du monde.

Plutôt que de le sacrifier, vous refuseriez tout. Car pour vous rien ne vaut ce tourment, ce délice d’écrire, qui vous gâte parfois les plaisirs ordinaires du monde, mais qui vous remplit plus souvent d’une joie unique, d’une joie que les autres ne connaissent pas. Peu d’heures dépassent en richesse les heures d’enthousiasme, les heures où les paysages, les pensées, naissent sous votre plume qui court, alerte, rapide, plus lente encore cependant que votre esprit subitement plus prompt que l’éclair.

Délice de créer, de voir pousser les phrases comme des fleurs dans un magique jardin, de les