D’un air de violon
La pièce n’était plus éclairée que par une lampe. Beaucoup d’ombre enveloppait le silence où la pure musique s’élevait. Pour les autres, ce n’était que du Saint-Saëns, merveilleusement joué. Seule, la limpidité des notes suppliantes et tendres les touchait.
Pour moi, tous les fantômes de ma jeunesse brusquement surgissaient. Dans mon imagination tout de suite attendrie reparaissaient un salon, un foyer de marbre blanc avec une grande glace au-dessus, des murs ornés de reproductions de Greuze, et quatre hautes fenêtres devant lesquelles, chaque jour, tout Sorel défilait.
C’était l’été. Il faisait chaud. Dehors, la nuit couvrait tout. Une faible brise agitait parfois les longs rideaux légers. La rumeur de la ville ou le cri d’une barge pénétrait dans la maison et ajoutait à l’intimité de l’heure, le cadre qui l’entourait : l’image des rues, l’image des quais, de l’eau noire, l’image des bateaux