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LA MAISON

elle semble toujours le chérir. Son sourire n’est plus immobile. Elle laisse voir avec art celles de ses dents qui sont éclatantes. Elle a une manière angélique et osée à la fois de regarder cet homme ; évidemment, elle déborde de confiance en lui ; une espèce de tendresse, qu’elle paraît vouloir contenir, passe malgré elle, dirait-on, dans le gris étrange de ses yeux. Et ce n’est pas elle qui cause le plus. Elle ménage ses disques. Il faudra qu’ils servent ailleurs. Alors, elle interroge avec une sollicitude et un intérêt d’une grande finesse. Cet homme ne se savait pas digne de tant d’attention : le voilà flatté, conquis.

Quelquefois, elle dispense ses grâces à un pauvre hère modeste et insignifiant, s’il est le seul homme en vue. Elle accapare toujours le mâle quand il y en a un, quelle que soit son infime valeur. Alors cet homme, surpris et heureux, croit voir enfin la femme de ses rêves timides, et il l’adore. Il la poursuivra peut-être plus tard, et pendant longtemps, s’il a le malheur de la rencontrer seul, il se croira payé de retour. Il s’enthousiasmera. Il ébauchera des projets d’avenir qu’elle accueillera d’un badinage coquet. Si, ensuite, il la revoit parmi d’autres hommes, et qu’à peine elle le salue, il en concevra de la jalousie, mais l’aimera déjà trop pour soupçonner la vérité. Elle peut ainsi se vanter de sa légion d’admirateurs.