Page:Le Normand - La Maison aux phlox, 1941.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
AUX PHLOX
[23]

jardin, la sarcler, la nourrir, lui donner de l’air, du soleil.

Tout cela pendant que ses doigts allaient sur le clavier. C’est cette vélocité qu’elle atteignit qui fit croire au premier abord qu’elle était musicienne. Quand elle regarde à présent ces impétueuses tarentelles, qu’elle pouvait jouer sans s’accrocher une seule fois, elle se demande comment elle a pu faire. Tant de notes, et si rapides…

Et dire qu’elle les apprenait tout en faisant par cœur, dans sa tête, des pages et des pages de composition française.

— Faites-nous voir, demandait le professeur, la vérité de cette phrase d’Amiel : Un paysage est un état d’âme.

— Racontez ; l’histoire d’un livre.

— Donnez-nous les impressions d’un homme qui s’étant endormi au commencement du xixe siècle, se réveillerait maintenant.

Et sa tête bouillonnait en cadence avec les notes des tarentelles.

Ou elle jouait avec désespoir la Sonate à la lune, si le professeur avait demandé d’écrire une lettre comme si l’on était Jean Racine, ou Boileau, ou Voiture, ou LaFontaine. Elle jouait alors et ne trouvait rien.