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AUX PHLOX
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sont accumulés tous les temps, tous les vents, tous les sentiments ; toutes les sortes de joies, d’extases, d’enthousiasmes ; toutes les sortes de peines et de désespoirs, dont seule la Foi consolait ; toutes les couleurs de jours : jours brumeux, jours ensoleillés, jours de mer, jours de montagnes, jours noirs où le front se colle aux vitres froides, où la mort semblerait douce ; jours lumineux et d’or, où soudain l’on ne souffre plus de rien, où l’on savoure l’air à grands coups, la beauté du soleil, le ciel bleu, où l’on glisse en skis sur les collines, comme volent les anges avec leurs ailes… Jours intellectuels, où, au soleil du salon ou de sa lampe, on déguste un livre, la main tendue vers un autre livre qui tout à l’heure à son tour charmera. On peut dire le délice des choses de l’esprit, ou ressusciter, ou revivre, ou bien créer à leur image, — tant de personnages, tant de visages passés, connus, aimés…

Maintenant que le monde et la vie m’ont donné tous leurs trésors de bonheurs ou d’épreuves, de soucis et de contentement, de laideurs et de beautés ; maintenant que j’ai vu tant de lâcheté, de turpitude, de duplicité ; tant de légèreté, d’insouciance, d’inconséquence, d’audace mauvaise ; et par ailleurs tant d’amitié, de douceur, de bienveillance, de saine tendresse ; maintenant que j’ai connu le grand souffle de