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LA MAISON

quatrième espace en dessous ! Elle s’amusa du jeu une demi-heure, puis elle abandonna l’instrument, prit un livre.

Puis, il fut décidé qu’elle gardait son piano. Alors, elle n’eut plus du tout envie d’en jouer. Il se tut définitivement.

Cette fois, tout de même, il s’en va demain. Et ce soir, même s’il reste fermé, muet, elle réentend d’anciens airs qui lui gonflent le cœur, lui mouillent les yeux. Sournoisement, il reprend une énorme valeur sentimentale.

Sa mère et sa vieille sœur lui avaient dit : « C’est ton piano, tu l’emporteras ». Puis la mort avait frappé deux fois à la maison paternelle, qui s’était ensuite à jamais close.

C’était elle qui avait eu le piano.

Sa mère, sa vieille sœur avaient espéré jusqu’à la fin que sa petite fille, plus tard, deviendrait une enfant comme les autres, et commencerait à son tour un bon matin à jouer do, ré, mi, fa, à faire des gammes, du Czerny.

Hélas, les années coulaient rapides, nombreuses, depuis le deuil. La petite fille n’avait pas guéri.

Elle ne jouait même pas avec la poupée que sa mère lui avait apportée du lointain de sa propre enfance ; elle ne jouerait pas du piano que sa grand’mère et sa tante lui destinaient.