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LA MAISON

justement, elle cessait d’être ici-bas l’enfant de quelqu’un, à l’heure où brusquement elle se rendait compte que, dans l’esprit de ses jeunes fils, déjà sans doute, elle passait elle-même pour une vieille femme.

Marraine, pourtant, du passé survivant se dressait et l’appelait encore : « Ma pauvre petite », comme autrefois, quand Lise se faisait mal, quand elle s’était fendu le front en tombant de son tricycle. Dans la buée de larmes qui brouillait ses yeux, Lise voyait se lever son village natal, et sous un ciel tout bleu, près des saules, près de la rivière azurée, dans la rue paisible, la petite maison aux phlox.

La petite maison aux phlox, blanche et verte, au parterre odorant, ordonné, la maison si calme, si muette, telle que si longtemps Lise l’avait vue tous les matins, par la fenêtre de sa chambre ouverte sur l’été.

De la façade muette s’échappait, coloré, un long ruban de souvenirs, qui revêtait Lise de ses robes à carreaux roses, de ses chapeaux ridicules, trop grands, trop fleuris ; qui ressuscitait sa petite tête brune aux cheveux coupés en garçon.

Quand son fils vint l’embrasser, Lise vit mieux ensuite à quel point il lui ressemblait. C’était l’incarnation de Lise, le jour où, pour satisfaire un caprice, on l’avait habillée d’un