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AUX PHLOX
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petite chapelle, priaient chaque matin pour leur cœur en peine ou en joie, qui appelaient avidement et incessamment le bonheur.

Le bonheur ! Le bonheur qu’ils possédaient sans le savoir, eux qui, chaque matin ouvraient les yeux quand l’aube rose s’opposait à une immense mer lilas ; eux qui sortaient des mousseuses vagues, quand la cloche de huit heures les appelait à la chapelle ! Pourquoi, enivrés de pareilles délices, leur fallait-il souffrir quand même du mal incurable de la jeunesse, désirer à tout prix savoir ce que serait leur avenir ?

La mer bleue, la mer variable et merveilleuse, les couchers de soleil, les levers de lune, les plaisirs d’excursions diverses, les joies de cette existence de luxe dont la générosité de leurs hôtes les gratifiait ; tout ce qui formait pour leurs vingt ans ce présent unique, ils le goûtaient, mais sans cesser d’être obsédés par leur marche triomphale vers l’inconnu du lendemain. Et ils allaient dans ce beau rêve du présent, enlacés, aveuglés par le rêve d’illusoires félicités futures. Ah ! savoir, savoir ce que serait l’avenir, chantaient-ils dans leur âme…




Ils l’ont su. La vie les a dispersés. La vie les a rendus parfois très heureux, mais parfois aussi tristes ou malades ; la vie les a faits pauvres ou brillants, ou médiocres ; la vie les a ballottés.